La passion des tracteurs
de Louis Specker

Kappelen
Alsace - France
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Forum
d'échange
sur les vieux
tracteurs

Depuis des années, Louis Specker consacre tous son temps libre
à sa passion des tracteurs et engins agricoles anciens

   un exemplaire de Lanz Bulldog
 Calandre de tracteur Percheron  
  Louis Specker au travail,
aidé par Gérard Burget
 Tracteur Labourier  
   Calandre de tracteur Fordson

Extrait Artcicle Journal l'Alace Jeudi 14 février 2002
Le musée oublié de « Monsieur Tracteurs »
À Kappelen, Louis Specker est tombé amoureux des tracteurs et machines agricoles. Il en a plus de 90, qu'il rénove et bichonne. Mais son projet de musée reste lettre morte, faute de soutiens.
PLUS DE 90 tracteurs envahissent la cour et les granges de la ferme de Louis Specker, un retraité passionné de machines agricoles anciennes, attaché à leur redonner vie. Louis, 79 ans, natif de Kappelen, a passé trente années de sa carrière d'agriculteur-cultivateur dans le Berry, dans sa ferme du Carroir, qu'il a achetée à Ineuil. Veuf prématurément, il est retourné vivre dans son Alsace natale avec quatre des cinq filles du couple. En retraite depuis 1983, il trouve le temps long. Pour meubler sa solitude, il s'essaie à la menuiserie? Mais c'est en regardant un défilé de tracteurs anciens à Habsheim et en les entendant vrombir qu'il a eu le déclic. Ces machines qui l'ont fait replonger dans les années cinquante, époque où il sillonnait ses cultures dans le Berry, c'est à elles qu'il a décidé de consacrer tout son temps libre ! Il veut les sauver de la rouille et de l'oubli, les réparer et les repeindre, afin de leur offrir une seconde jeunesse.

Il n'est pas rare de retrouver un tracteur dormant sous les ronces, qui n'attend qu'une main admirative pour le réveiller
D'ailleurs pour commencer sa collection, il décide de rapatrier son vieux tracteur Percheront système Lanz qu'il avait oublié dans un coin de sa grange berrichonne, à l'époque où il était dépassé par des machines plus modernes. Le transporteur annonce alors à Louis que le prix du voyage est le même pour un ou quatre tracteurs. Et c'est comme ça que la collection a grandi, de transports en transports, et qu'il est devenu une sorte de « Monsieur Tracteurs » à Kappelen. De nombreuses personnes, y compris des élus, ont encouragé Louis à sauver ainsi ce patrimoine industriel et agricole. En moins de vingt ans, il a rassemblé ainsi 94 tracteurs et moteurs (thermiques, statiques, à essence, diesel), moissonneuses batteuses, faucheuses, motoculteurs, arracheuses, ainsi que des dizaines de charrues et des centaines d'autres outils agricoles, tous antérieurs aux années soixante. Les protégées de Louis ont pour nom : Lanz Bulldog, Société Française de Vierzon (SFV), Mack Cormick, Renault, Citroën, Fahr, Kuhn, Gultner, Deutz, Bantz, Massey-Fergusson, Pony Massey-Harris, Mann Lattil (très rare), Orrenstein und Kobbel (O & K), Hurli Mann ou Mann? Les plus anciens, un Renault et un Austin, datent de 1926, et affichent déjà 10 chevaux en traction-crochet, et 20 chevaux en poulie et prise de force. Le tracteur le plus rare de sa collection est un O & K 15 chevaux des années quarante-cinq : seulement huit exemplaires ont été importés en France, et seulement deux sont encore recensés. Louis a trouvé la plupart de ses tracteurs dans le centre de la France, où il a dû se battre contre les collectionneurs allemands et hollandais, friands de machines agricoles. « Dans ces régions de France intérieure, les gens sont plus conservateurs que nous, raconte Louis, en Alsace, il faut toujours que les fermes soient propres et rangées. Donc les tracteurs dépassés ont été découpés et jetés à la ferraille. Dans le Berry, il n'est pas rare de retrouver un tracteur dormant sous les ronces et les broussailles, qui n'attend qu'une main admirative pour le réveiller ». La remise en état d'un tracteur nécessite en moyenne une année de travail, le temps de réviser et de contrôler toutes les pièces, de retrouver celles qui sont défectueuses, et de mettre en peinture. Les pièces manquantes se trouvent très difficilement. Malgré un carnet d'adresse bien rempli, Louis a déjà mis deux ou trois ans pour retrouver certaines.

Il y a tant d'usines désaffectées, oubliées
C'est une passion très coûteuse, en temps et en argent ; des pièces telles que les segments valent très cher. Mais cet attachement apporte tant de plaisir, allume tant de lumière dans les yeux des nostalgiques? Hélas, ces belles dorment dans l'étable et les granges de la ferme de Louis, serrées et emboîtées au millimètre près, abritées par des planches et de bâches pour être un peu protégées des intempéries. Louis aimerait tant faire quelque chose pour que tout le monde puisse en profiter : créer un musée agricole par exemple, comme il en existe dans toutes d'autres régions. Il a maintes fois fait part de son souhait à des élus qui l'avaient tant encouragé dans son entreprise, mais les promesses sont restées lettres mortes. « Et dire que le département a tant de possibilités, qu'il y a tant d'usines désaffectées, oubliées ». Tout ce que souhaite Louis, c'est un hall, un toit pour ses tracteurs, afin qu'on n'oublie jamais avec quels outils nos parents travaillaient la terre, ni le bruit et l'odeur d'un tracteur. « L'idéal pour qu'ils ne disparaissent pas, serait d'en avoir un de chaque modèle », explique Louis Specker. Mais, faute de place, il n'acquiert plus de tracteur. Sa collection a envahi toute sa propriété, débordant jusqu'aux granges de voisins, à qui il a transmis sa passion. Louis n'a plus de place, et encore beaucoup de pain sur la planche s'il veut tous les remettre en état. Mais chaque tracteur a une histoire, un secret, une origine, et qui s'en souviendra quand les anciens ne seront plus là pour raconter? En attendant, dès que le jour se lève, au n° 17 de la rue du Rhin à Kappelen, on peut apercevoir Louis s'acharner avec passion et admiration sur un squelette de tracteur, qui reprend petit à petit couleurs et vie. En attendant un toit.

La construction personnelle de Louis : il implante un moteur Bruneau des années vingt sur une faucheuse Kuhn des années cinquante.

Photos Maryline Hoff

Louis a craqué pour les beaux yeux d'un Vierzon type H2 de 1937.

Maryline Hoff

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